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  Le trésor de la reine Amanishakhéto

 

 

À l’occasion de l’exposition Soudan, Royaumes sur le Nil à l’Institut du monde arabe, nous avons pu admirer le fameux trésor de la reine méroïtique Amanishakhéto (26-20 av. J.-C.). Ce trésor a connu une destinée hors du commun et l’histoire de sa découverte débute au XIXe siècle, à l’époque oò les voyageurs et les aventuriers européens partirent à « la conquête » de l’Orient.

 

En 1822, lors de son expédition en Nubie et au Soudan, Frédéric Cailliaud, accompagné de l’aspirant de marine Pierre Letorzec, fut parmi les premiers à pénétrer dans la région de Méroé, l’actuelle province soudanaise du Butana, en amont de la cinquième cataracte. Ils y découvrirent les pyramides de Méroé, témoins des grandes nécropoles royales méroïtiques (300 av. J.-C.-300 après J.-C.), dont Cailliaud fit une description détaillée des ruines. Dans le cimetière nord, se trouve la pyramide de la reine — ou kandaké — Amanishakhéto (Beg. N 6), à l’époque haute encore de 28 m, que Cailliaud dessina dans son état.

En 1830, l’italien Giuseppe Ferlini arriva au Soudan en tant que médecin militaire au service de l’armée égyptienne de Mohammed Ali. D’abord en garnison à Sennar et dans le Kordofan, il fut ensuite transféré à Khartoum ce qui lui donna l’occasion d’entendre de nombreuses histoires sur les vestiges antiques du pays. Lorsqu’il décida de quitter l’armée en 1834, il obtint du gouverneur militaire égyptien un permis pour entreprendre des fouilles archéologiques. Ses premières expériences de terrain furent à Wad Ben Naga et Mussawarat es-Sofra, mais les résultats furent minces. Alors Ferlini se tourna vers les pyramides royales de Méroé et choisit la pyramide de Méroé qui était l’une des mieux conservées d’après les dessins et les plans de Cailliaud.

Ferlini décida d’envoyer quatre de ses ouvriers, déguisés en villageois, au sommet détérioré de la pyramide afin de commencer son démantèlement. Après quinze jours de travail, les pilleurs découvrirent une petite cachette qui abritait deux récipients en bronze. Il fallut encore vingt jours de plus pour réduire au maximum la superstructure pyramidale, atteindre la chambre funéraire placée sous la pyramide, et la dépouiller de tous ses objets. Douze ans après la visite de Frédéric Cailliaud, la pyramide d’Amanishakhéto n’était plus qu’un amas de pierres.

Ferlini proposa ces trouvailles à des acquéreurs potentiels grâce

à la publication d’un premier catalogue en italien à Bologne en 1837, puis d’un second en français à Rome en 1838. En 1839, une partie des richesses d’Amanishakhéto fut acquise par le roi Ludwig Ier de Bavière, aujourd’hui conservée au Staatliche Sammlung Ägyptischer Kunst de Munich. L’autre partie était encore entre les mains d’un agent à Londres en 1842 et ce ne fut qu’en 1844, sur la recommandation de Richard Karl Lepsius, convaincu de l’authenticité et de l’importance de ces pièces de joaillerie, que la partie restante du trésor fut achetée pour l’Ägytpisches Museum und Papyrussammlung de Berlin.

En 1921 et 1922, lors des expéditions archéologiques et l’Université d’Harvard et du Museum of Fine Arts de Boston, dirigées par George Andrew Reisner, la sépulture d’Amanishakhéto fut enfin fouillée. À la fin des années soixante-dix, le pylône de la chapelle funéraire, devant la pyramide de la reine, a été reconstitué.

Il a fallu attendre la chute du mur de Berlin et la réunification des deux Allemagne pour que le trésor de la reine retrouve finalement son unité, jusqu’alors partagée entre les musées de Munich et Berlin.

 

Le trésor de la reine Amanishakhéto constitue une réelle exception, digne de soutenir la comparaison avec les découvertes en Égypte. La richesse et la diversité des objets sont très grandes : objets de parure funéraire — anneaux-écussons qui représentent les pièces les plus précieuses du trésor —, bijoux — bagues, colliers, collerettes, bracelets, boucles d’oreilles, pendentifs —, vaisselles en bronze, instruments de musiques — flôtes. Ce trésor représente la synthèse d’éléments égyptiens, hellénistiques et locaux.

 

Pour en savoir plus :

D. Dunham, The Royal Cemeteries of Kush. vol. 4, Royal Tombs of at Meroe and Barkal, Boston, 1957, p. 106-111.

P. Lacovara & Y. Markowitz, « The Treasure of a Nubian Queen », KMT 10, 1999, p. 60-67.

D. Wildung, « Das Gold von Meroe », Antike Welt 23/4, 1992, p. 270-271.

 

— les voyageurs et les explorateurs :

F. Cailliaud, Voyage à Méroé, au Fleuve Blanc au-delà de Fâzqol, Nantes, 1823 (les deux volumes de planches), 1826 et 1827 (les quatre volumes de texte).

G. Ferlini, Cenno sugli scavi operati nella Nubia e Catalogo degli oggetti ritrovati, Bologne, 1837.

G. Ferlini, Relation historique des fouilles opérées dans la Nubie, Rome, 1838.

R.K. Lepsius, Briefe aus Aegypten, Aethiopien und der Halbinsel Sinai, Berlin, 1852, p. 206. Lettre datée du 22 avril 1844.

 

— Catalogues d’exposition :

Africa in Antiquity. The Arts of Ancient Nubia and the Sudan, catalogue d’exposition — the Brooklyn Museum — New York, New York, 1978, vol. 2, n° 181-189.

Kush : Lost Kingdom of the Nile, catalogue d’exposition — Brockton Art Museum, Brockton, Massachusetts, 1982.

K.-H. Priese, The Gold of Meroe, catalogue d’exposition — the Metropolitan Museum of Art — New York, Mayence, 1993.

Soudan, Royaumes sur le Nil, catalogue d’exposition — Institut du monde arabe, Paris, 1997, p. 302-327.

 

 

¥ Documentation pour illustrer le feuilleton

— Carte géographique du Soudan ;

— Le cimetière sud de Méroé au premier plan et le cimetière nord de Méroé au second plan, cliché ASA 97, n° 1608 ;

— Vue du cimetière nord de Méroé, cliché ASA 93, n° 759 ;

— Pyramide N 6 d’Amanishakhéto, dessinée par Frédéric Cailliaud ;

— Bracelet, or et pâte de verre colorée, haut. 4,6 cm, conservé à Munich, SSÄK, n° 2455.

Ce bracelet était porté au bras ou à l’avant-bras et attaché par un lien de cuir ou de tissus. Au centre, une déesse Mout — épouse d’Amon — aux quatre ailes déployées et coiffée de la dépouille de vautour, surmontée de la couronne de la Haute et Basse Égypte, marque l’articulation du bracelet ;

— Chaîne de têtes hathoriques, or et pâte de verre bleu et turquoise, haut. 2,3 cm, conservée à Berlin, ÄMP, n° 1661-1664.

Chaque élément représente un visage d’Hathor, vue de face, avec des oreilles de vache et des tresses en spirales, flanqué de deux cobras dressés ou uræi.

— Anneau-Écusson, or et pâte de verre, haut. 3,7 cm ; larg. 3,7 cm, conservé à Munich, SSÄK, n° 2446c.

Cette pièce se compose d’un anneau d’or sur lequel s’articule une plaque d’or décorée. Au centre, Sébiouméker, divinité méroïtique, est représenté, coiffé de la couronne de la Haute et Basse Égypte et flanqué de deux yeux-oudjat ;

— Bagues cachets à intaille, or, haut entre 1,75 et 5 cm, conservées à Berlin, ÄMP, n° 1726, 1723, 1712, 1696, 1720 et 1725.

Plus de cinquante bagues cachets ont été trouvées dans la chambre funéraire d’Amanishakhéto, dont trois paires représentant la naissance divine, l’élection et le couronnement de la reine.

Sur ces bagues, on distingue également trois représentations d’Amon : Amon du Gebel Barkal, Amon de Méroé et Amon de Kawa. En général, Isis est coiffée d’une couronne hathorique et tient une palme : c’est donc l’Isis de Méroé. Ici, on note une association entre Isis et Amon qui n’a pas de parallèle en Égypte ;

— Collerette, pierre cornaline, verre et faïence, larg. 40 cm, conservée à Berlin, ÄMP, n° 1757.

Collerette, coquillages, pierre, cornaline, faïence et verre, larg. 45 cm, conservée à Berlin, ÄMP.

La collerette est l’un des bijoux les plus fréquents en Égypte et à Méroé. Elle recouvre les épaules et le haut de la poitrine. Elle était portée par les divinités, les souverains et les personnages de haut rang. Le trésor d’Amanishakhéto comptait de nombreuses perles éparses dont le remontage actuel a permis de reconstituer deux collerettes. Des perles non figuratives, d’autres représentant des motifs animaliers, végétaux et floraux, sont associées à des amulettes comme le signe-ankh, l’œil-oudjat, le scarabée, le pilier-djed.

 
     
  le tresor de la reine amanishakheto

 

 

a l'occasion de l'exposition soudan, royaumes sur le nil a l'institut du monde arabe, nous avons pu admirer le fameux tresor de la reine meroitique amanishakheto (26-20 av. j.-c.). ce tresor a connu une destinee hors du commun et l'histoire de sa decouverte debute au xixesiecle, a l'epoque ou les voyageurs et les aventuriers europeens partirent a "la conquete" de l'orient.

 

en 1822, lors de son expedition en nubie et au soudan, frederic cailliaud, accompagne de l'aspirant de marine pierre letorzec, fut parmi les premiers a penetrer dans la region de meroe, l'actuelle province soudanaise du butana, en amont de la cinquieme cataracte. ils y decouvrirent les pyramides de meroe, temoins des grandes necropoles royales meroitiques (300 av. j.-c.-300 apres j.-c.), dont cailliaud fit une description detaillee des ruines. dans le cimetiere nord, se trouve la pyramide de la reine - ou kandake - amanishakheto (beg. n 6), a l'epoque haute encore de 28m, que cailliaud dessina dans son etat.

en 1830, l'italien giuseppe ferlini arriva au soudan en tant que medecin militaire au service de l'armee egyptienne de mohammed ali. d'abord en garnison a sennar et dans le kordofan, il fut ensuite transfere a khartoum ce qui lui donna l'occasion d'entendre de nombreuses histoires sur les vestiges antiques du pays. lorsqu'il decida de quitter l'armee en 1834, il obtint du gouverneur militaire egyptien un permis pour entreprendre des fouilles archeologiques. ses premieres experiences de terrain furent a wad ben naga et mussawarat es-sofra, mais les resultats furent minces. alors ferlini se tourna vers les pyramides royales de meroe et choisit la pyramide de meroe qui etait l'une des mieux conservees d'apres les dessins et les plans de cailliaud.

ferlini decida d'envoyer quatre de ses ouvriers, deguises en villageois, au sommet deteriore de la pyramide afin de commencer son demantelement. apres quinze jours de travail, les pilleurs decouvrirent une petite cachette qui abritait deux recipients en bronze. il fallut encore vingt jours de plus pour reduire au maximum la superstructure pyramidale, atteindre la chambre funeraire placee sous la pyramide, et la depouiller de tous ses objets. douze ans apres la visite de frederic cailliaud, la pyramide d'amanishakheto n'etait plus qu'un amas de pierres.

ferlini proposa ces trouvailles a des acquereurs potentiels grace

a la publication d'un premier catalogue en italien a bologne en 1837, puis d'un second en francais a rome en 1838. en 1839, une partie des richesses d'amanishakheto fut acquise par le roi ludwig ier de baviere, aujourd'hui conservee au staatliche sammlung agyptischer kunst de munich. l'autre partie etait encore entre les mains d'un agent a londres en 1842 et ce ne fut qu'en 1844, sur la recommandation de richard karl lepsius, convaincu de l'authenticite et de l'importance de ces pieces de joaillerie, que la partie restante du tresor fut achetee pour l'agytpisches museum und papyrussammlung de berlin.

en1921 et1922, lors des expeditions archeologiques et l'universite d'harvard et du museum of fine arts de boston, dirigees par george andrew reisner, la sepulture d'amanishakheto fut enfin fouillee. a la fin des annees soixante-dix, le pylone de la chapelle funeraire, devant la pyramide de la reine, a ete reconstitue.

il a fallu attendre la chute du mur de berlin et la reunification des deux allemagne pour que le tresor de la reine retrouve finalement son unite, jusqu'alors partagee entre les musees de munich et berlin.

 

le tresor de la reine amanishakheto constitue une reelle exception, digne de soutenir la comparaison avec les decouvertes en egypte. la richesse et la diversite des objets sont tres grandes: objets de parure funeraire - anneaux-ecussons qui representent les pieces les plus precieuses du tresor -, bijoux - bagues, colliers, collerettes, bracelets, boucles d'oreilles, pendentifs -, vaisselles en bronze, instruments de musiques - flutes. ce tresor represente la synthese d'elements egyptiens, hellenistiques et locaux.

 

pour en savoir plus:

d.dunham, the royal cemeteries of kush. vol. 4, royal tombs of at meroe and barkal, boston, 1957, p.106-111.

p.lacovara & y. markowitz, "the treasure of a nubian queen", kmt 10, 1999, p.60-67.

d.wildung, "das gold von meroe", antike welt 23/4, 1992, p.270-271.

 

- les voyageurs et les explorateurs:

f.cailliaud, voyage a meroe, au fleuve blanc au-dela de fazqol, nantes, 1823 (les deux volumes de planches), 1826 et 1827 (les quatre volumes de texte).

g.ferlini, cenno sugli scavi operati nella nubia e catalogo degli oggetti ritrovati, bologne, 1837.

g.ferlini, relation historique des fouilles operees dans la nubie, rome, 1838.

r.k. lepsius, briefe aus aegypten, aethiopien und der halbinsel sinai, berlin, 1852, p.206. lettre datee du 22avril1844.

 

- catalogues d'exposition:

africa in antiquity. the arts of ancient nubia and the sudan, catalogue d'exposition - the brooklyn museum - new york, new york, 1978, vol. 2, n°181-189.

kush: lost kingdom of the nile, catalogue d'exposition - brockton art museum, brockton, massachusetts, 1982.

k.-h. priese, the gold of meroe, catalogue d'exposition - the metropolitan museum of art - new york, mayence, 1993.

soudan, royaumes sur le nil, catalogue d'exposition - institut du monde arabe, paris, 1997, p.302-327.

 

 

¥ documentation pour illustrer le feuilleton

- carte geographique du soudan;

- le cimetiere sud de meroe au premier plan et le cimetiere nord de meroe au second plan, cliche asa 97, n°1608;

- vue du cimetiere nord de meroe, cliche asa 93, n°759;

- pyramide n 6 d'amanishakheto, dessinee par frederic cailliaud;

- bracelet, or et pate de verre coloree, haut. 4,6cm, conserve a munich, ssak, n°2455.

ce bracelet etait porte au bras ou a l'avant-bras et attache par un lien de cuir ou de tissus. au centre, une deesse mout - epouse d'amon - aux quatre ailes deployees et coiffee de la depouille de vautour, surmontee de la couronne de la haute et basse egypte, marque l'articulation du bracelet;

- chaine de tetes hathoriques, or et pate de verre bleu et turquoise, haut. 2,3cm, conservee a berlin, amp, n°1661-1664.

chaque element represente un visage d'hathor, vue de face, avec des oreilles de vache et des tresses en spirales, flanque de deux cobras dresses ou uraei.

- anneau-ecusson, or et pate de verre, haut. 3,7cm; larg. 3,7cm, conserve a munich, ssak, n° 2446c.

cette piece se compose d'un anneau d'or sur lequel s'articule une plaque d'or decoree. au centre, sebioumeker, divinite meroitique, est represente, coiffe de la couronne de la haute et basse egypte et flanque de deux yeux-oudjat;

- bagues cachets a intaille, or, haut entre 1,75 et 5cm, conservees a berlin, amp, n°1726, 1723, 1712, 1696, 1720 et 1725.

plus de cinquante bagues cachets ont ete trouvees dans la chambre funeraire d'amanishakheto, dont trois paires representant la naissance divine, l'election et le couronnement de la reine.

sur ces bagues, on distingue egalement trois representations d'amon: amon du gebel barkal, amon de meroe et amon de kawa. en general, isis est coiffee d'une couronne hathorique et tient une palme: c'est donc l'isis de meroe. ici, on note une association entre isis et amon qui n'a pas de parallele en egypte;

- collerette, pierre cornaline, verre et faience, larg. 40cm, conservee a berlin, amp, n°1757.

collerette, coquillages, pierre, cornaline, faience et verre, larg. 45cm, conservee a berlin, amp.

la collerette est l'un des bijoux les plus frequents en egypte et a meroe. elle recouvre les epaules et le haut de la poitrine. elle etait portee par les divinites, les souverains et les personnages de haut rang. le tresor d'amanishakheto comptait de nombreuses perles eparses dont le remontage actuel a permis de reconstituer deux collerettes. des perles non figuratives, d'autres representant des motifs animaliers, vegetaux et floraux, sont associees a des amulettes comme le signe-ankh, l'oeil-oudjat, le scarabee, le pilier-djed.