Egypte Egypte
Egypte Egypte
     
 

Les origines

Le mot « copte » ou « cophte » apparaît dans les récits des voyageurs occidentaux en Égypte de la fin du Moyen-Âge. Il provient de l’arabe qibt (pluriel aqbâf), qui désigne les chrétiens d’Égypte de souche autochtone. En fait, il s’agit d’une abréviation du grec Aiguptios, « Égyptien », qui lui-même, selon une hypothèse assez vraisemblable, dériverait de Hikuptâh « Le sanctuaire de la force vitale du dieu Ptah », nom sacerdotal de Memphis, une des capitales de l’Égypte pharaonique. Ce terme recouvre des réalités tant linguistiques qu’historiques et religieuses.
L’introduction du christianisme en Égypte remonte, selon la tradition. aux années quarante du premier siècle et à l’évangéliste saint Marc qui l’aurait prêché à Alexandrie avant d’y subir le martyre, en 68.
C’est donc en pleine période romaine de l’Égypte, dans un milieu profondément païen, que prend naissance cette réalité copte qui s’enracine dans le pays dès le courant de la seconde moitié du IIe siècle, qui voit l’évangélisation de l’oasis du Fayoum et de la Haute Égypte et, surtout, la création, à Alexandrie. vers 180. du Didascalée, célèbre école de catéchèse s’il en fut. oò enseignèrent des maîtres aussi prestigieux que Pantène, Clément, Origène ou saint Denys.
L’importance de l’Église d’Égypte de l’époque peut se déduire du fait que c’est elle qui impose à l’ensemble de la chrétienté, dès le milieu du 111e siècle, ses règles de calcul pour l’établissement de la date de la fête de Pâques. Cette prééminence et cette vitalité du christianisme local expliquent aussi qu’il se soit trouvé en butte à toute une série de persécutions virulentes de la part des empereurs romains Septime Sévère (en 202), Dèce (en 250), Valérien (en 257) et, surtout, Dioclétien (en 303-304). Mais la violence de la répression ne calmait en rien l’ardeur des prosélytes chrétiens : dès la fin du 111e siècle, la religion nouvelle avait déjà gagné la Thébaïde et les confins méridionaux du pays.

Érémitisme, cénobitisme et monachisme

Dans le même temps, naissait le phénomène de l’érémitisme. la fuite au désert, d’abord, comme dans le cas du semi-légendaire saint Paul de Thèbes (mort en 347 ?), sous la contrainte de la répression, puis, à l’image de saint Antoine (251-356 ?), dans le désir d’imiter le Christ et de retrouver, par la solitude, l’unité intérieure d’Adam avant la chute.
Le monachisme était né. Et celui-ci, qui constituerait l’inestimable apport de l’Égypte au christianisme et se répandrait ensuite dans toute la chrétienté, commencerait par connaître, sur la terre d’Égypte justement, des formes contrastées. Celle de la retraite au désert, d’abord, anachorétisme radical des premiers pères, dont les vies nous sont parfois bien connues, grâce aux fameux « apophtegmes » qu’ils nous ont laissés. Celle, ensuite, du semi-anachorétisme antonien qui rassemble des colonies de petits ermitages de deux ou trois moines, disséminés dans la solitude désertique mais non loin des villes qui procurent le minimum du nécessaire vital et permettent le rattachement à une église — l’église des laures — oò se célèbre. le dimanche, la liturgie commune. Celle enfin, initiée par saint Pacôme (vers 286-346), du cénobitisme. qui organise la vie des moines autour d’une règle axée sur quelques principes simples : obéissance, pureté du cœur et du corps, pauvreté individuelle dans une relative prospérité collective, alternance du travail et de la prière.
Saint Antoine était né. en 251, dans le village de Qimn aiArous (l’ancienne Héraclée). au bord du Nil, au nord de l’actuelle ville de Béni Souef. Ayant suivi le conseil de l’évangéliste Matthieu (19. 21) : « Si tu veux être parfait, va vendre tout ce que tu as et donne-le aux pauvres ! », il avait passé ensuite plusieurs années dans un ermitage avant de se consacrer à la vie ascétique dans une grotte du Wâdi Arabah. située sur les pentes du massif de la Qalalah. De nombreux disciples — la tradition parle d’une soixantaine —, désireux de recueillir son enseignement et de vivre dans sa proximité, s’étaient installés dans, une oasis au pied de la montagne. constituant ainsi le noyau de l’un des premiers monastères chrétiens de l’histoire, Si saint Antoine-le-Grand peut ainsi être considéré comme « le père du monachisme », l’homme qui lui donna les formes qui allaient être adoptées — et connaître la fortune que l’on sait en Occident — fut saint Pacôme. Ainsi la règle qu’instaurera, au VIe siècle, saint Benoît pour ses bénédictins, sera directement inspirée de celle mise à l’honneur par saint Pacôme.
Très paradoxalement — quand on songe au rayonnement qu’il a connu dans la chrétienté tout entière — et malgré ses succès initiaux, le monachisme pacômien disparaîtra d’Égypte après la conquête musulmane. C’est le modèle antonien qui l’emportera, survivant jusqu’à aujourd’hui — avec des adaptations, bien sôr (ainsi qu’on peut le constater de nos jours. notamment dans les monastères du Wâdi Natroun),

L’Égypte copte

Après qu’en 313, l’empereur Constantin eut décrété la liberté religieuse pour les chrétiens et qu’en 391 son successeur Théodose eut imposé le christianisme comme religion d’État, l’Église ne cessa d’étendre son empire sur la société égyptienne. Et c’est dans la seconde moitié du IVe siècle que furent très certainement bâtis les monastères de saint Antoine-le-Grand et de saint Paul-le-Thébain, dans le désert oriental d’Égypte.
C’est à cette époque également qu’il faut faire remonter la création, par saint Macaire d’Alexandrie du monastère du désert de Scétis (Wàdi Natroun). Disciple de saint Antoine-le-Grand, il avait passé quelques années, nu dans les marais infestés de moustiques de Marèotis (Mariout) et s’était rendu fameux par ses témoignages de la plus extrême austérité, avant que de fonder, à mi-chemin entre Alexandrie et Babylone d’Égypte (Le Caire) un établissement oò s’appliquerait la règle de son maître.
La création de ces monastères donna lieu à l’éclosion d’un art nouveau bien que baignant encore dans le milieu romain et profondément influencé par l’imagerie païenne ; la nécessité de traduire la Bible permet alors la fixation de la langue copte.
L’ensemble de ces circonstances contribue à l’émergence d’une identité copte, dans un contexte oò l’on peut considérer que la population, dès le milieu du Ve siècle, se trouve presque entièrement christianisée. La voie s’ouvre ainsi pour une véritable civilisation chrétienne des bords du Nil à caractère national, face au siège épiscopal de Constantipople et au trône impérial.
Prise entre les deux géants que sont l’Égypte pharaonique et l’Égypte islamique, l’« Égypte copte » apparaît dans les manuels comme une période qui débute avec l’introduction du christianisme en Égypte pour s’achever avec celle de l’islam ; il n’en reste pas moins que la « réalité copte », que nous évoquions en commençant, a perduré bien au-delà du Vlle siècle, jusqu’à nos jours. Avec la conquête musulmane de 639 l’histoire des Coptes ne se trouve pas terminée pour autant.
L’Égypte reste encore majoritairement chrétienne quelque deux, trois ou quatre siècles — selon les auteurs — après que le général Amr ibn ai-As, lieutenant du calife Omar, s’est emparé presque sans coup férir des villes clefs du pays : les Coptes se sentaient probablement plus proches de leurs voisins arabes que de leurs maîtres byzantins dont la fiscalité les écrasait et ne firent probablement pas preuve d’une résistance exagérée.
L’invasion arabe met bientôt un frein à cette activité. Ainsi, la gronde masse des documents écrits en copte a-t-elle été rédigée entre le VIe et le VIIIe siècle. Mais la langue arabe s’imposant rapidement, il s’agira assez vite de tout traduire une nouvelle foi : dès le IXe siècle, le copte était en déclin et, au XIVe siècle, l’Église copte officialisait l’usage de l’arabe. Bien avant cette date avait été assuré le passage en arabe des textes bibliques, liturgiques, homilétiques et hagiographiques. C’est grâce à ce nouveau mouvement de traductron qu’une part de la littérature copte a pu être conservée, dans sa version arabe.
Si tel ou tel voyageur occidental du XVIIe siècle a pu encore entendre parler copte, dans quelques régions reculées, quelques îlots isolés du reste du pays, dès le XIIIe siècle la situation de la langue copte était suffisamment grave pour qu’un groupe de lettrés décide de la création d’une école dont les travaux consisteraient à la sauvegarde et la préservation des structures écrites de la langue.
La relégation du copte au rang de langue sacrée et l’adoption de l’arabe par les chrétiens d’Égypte n’allaient pas mettre un terme à l’activité théologique des auteurs coptes. Ainsi, ce même treizième siècle, évoqué à l’instant, serait-il en Égypte le théâtre d’une véritable renaissance en langue arabe de la spiritualité et de la littérature coptes. La meilleure illustration en est donnée par les nombreux travaux des frères al-AssaI, étonnants polygraphes, qui furent en même temps philosophes, théologiens, canonistes, biblistes, prédicateurs et hagiographes. D’autres noms pourraient être cités pour cette même époque, ceux du médecin lbn Bichr al-Katib, de l’exégète Boutros al-Sadamanti, de l’historien Boutros ibn al-Rahib ou encore des hagiographes Pierre et Michel de Malig, qui font qu’à bien des égards, donc, le XIIIe siècle peut apparaître comme l’âge d’or de la littérature copte d’expression arabe.


L’Église copte

Championne de l’orthodoxie, alliée de l’Église de Rome lors du concile de Nicée (325) qui avait consommé la défaite de l’arianisme (doctrine qui niait la divinité du Christ), l’Église d’Égypte aborda ensuite en position de force, et un siècle plus tard, le concile d’Éphèse (431) qui vit la légitimation solennelle du titre de « Mère de Dieu » (Théotokos) appliqué à Marie. Cette circonstance fut l’occasion, pour Cyrille, évêque d’Alexandrie de s’opposer aux disciples du patriarche Nestorius, les nestoriens, qui contestaient la validité de ce titre.
Que l’Église d’Égypte ait été l’instrument de cette reconnaissance faite à Marie peut paraître assez naturel quand on songe que cette même épithète était appliquée, dans l’Égypte pharaonique, aux grandes déesses maternelles, Mout, Nout, ou lsisÉ Un autre exemple d’acculturation peut être relevé dans le fait qu’à cette même époque, « les chrétiens d’Égypte utilisent volontiers le vieux symbole de la croix ansée (ânkh, signe hiéroglyphique de la vie), comme équivalent de la croix chrétienne, manifestation de la victoire du Christ sur la mort », ainsi que le souligne l’historien Christian Cannuyer.
Il s’agit là de traits, parmi bien d’autres, qui montrent comment, de façon assez inconsciente, le christianisme égyptien assumera une part de l’héritage pharaonique, L’identité très forte de l’Église d’Égypte allait aussi la conduire à se séparer de ses sœurs romaine et byzantine, en 451, lors du concile de Chalcédoine. Cet épisode mystérieux et complexe de l’histoire du christianisme semble avoir eu pour fondement un douloureux malentendu théologique et culturel, peut-être aggravé de quelques rivalités politiques, C’est ainsi que le concile de Chalcédoine fut l’occasion de la proclamation de l’unité de personne et de la dualité de nature (ph ysis) dans le Christ. Pour les Égyptiens, menés par leur patriache Dioscore, cette définition semblait contredire une formule qu’avait naguère consacrée Cyrille, selon laquelle il n’y avait qu’une physis du Verbe incarné. La polémique semble résulter d’une erreur ou d’une approximation dans la traduction des termes en une époque oò le vocabulaire théologique n’est pas encore définitivement forgé ni, a fortiori, établi.
Quoi qu’il en ait été, les Égyptiens, dans leur majorité, refusèrent la définition prônée par le concile. Dioscore fut déposé et les coptes bientôt considérés, à tort, comme « monophysites », c’est-à-dire comme des schismatiques croyant en l’absorption de l’humanité du Christ par sa divinité. Ces circonstances virent donc la constitution en Égypte d’une Église dite pré-chalcédonienne, séparée encore auh-jourd’hui du reste du monde chrétien. Dès lors, l’Église copte va s’identifier de plus en plus à l’Égypte, même si elle rayonne jusqu’en Éthiopie (conversion du négus Ezana, vers 350) et en Nubie. Cette identification est conséquemment vécue comme une opposition à un empire byzantin dont la fiscalité insupportable pressure le pays.


La conquête arabe

C’est avec une relative passivité, on l’a dit déjà, que les Coptes accueillent l’invasion musulmane de 639. Dans les débuts, à tout le moins, la liberté religieuse des chrétiens paraît avoir été très satisfaisante. Les autorités musulmanes n’encourageaient guère les conversions de masse et si l’islamisation du pays semble avoir progressé plus vite qu’en Syrie ou en Irak, c’est bien plutôt par le biais, estime-t-on aujourd’hui, des mariages mixtes et à cause des contraintes socio-économiques. Les Coptes considérés, en effet, comme dhimmis (« protégés ») se voient contraints de payer la giziyah (impôt personnel) et le kharag (impôt foncier).
Sous la dynastie des Omeyyades (660-750) les rapports entre les chrétiens d’Égypte et leurs maîtres musulmans restent harmonieux. L’arabisation du pays est cependant encouragée par la loi : un édit du gouverneur Abdallah Ibn Abd al-Malik vient prohiber, en 707, l’usage du copte dans les documents publics, Sous la dynastie des Abbassides (750-969), plus attentive à la prééminence de l’islam dans l’empire, la situation de la communauté chrétienne d’Égypte, en passe de devenir minoritaire, devient parfois plus difficile. Des tensions surgissent, des insurrections éclatent, notamment dans le Delta, Mais les autorités mettent fin avec détermination à ces derniers sursauts irrédentistes. À partir de 850, les Coptes se voient contraints au respect de lois discriminatoires, les chourout, rarement appliquées toutefois dans toute leur rigueur. L’épisode toulounide — du nom de la dynastie locale indépendante du pouvoir central qui règne sur l’Égypte de 870 à 905 — voit s’améliorer la position des Coptes qui retrouvent dans l’administration, et notamment celle des finances, les postes de responsabilité oò ils ont toujours fait leurs preuves. Et c’est à un architecte copte, Ibn Katib al-Firghani, qu’est confiée la tâche prestigieuse d’édifier la mosquée d’lbn Touloun.
Avec les Fatimides — qui prennent le pouvoir en Égypte en 969 — commence pour les Coptes une période plutôt faste. D’une manière générale, ces princes témoignent d’une bienveillance exceptionnelle à l’égard de leurs sujets chrétiens, leur confiant, dans maints domaines, des postes importants. Une exception vient toutefois fort tristement confirmer la règle. Ainsi, le début du Xle siècle fut marqué, dans le cours du règne du calife al-Hakim (996-1021), d'une parenthèse dramatique qui vit ce tyran énigmatique et cruel déchaîner contre les chrétiens, mais aussi contre certains Sunnites, une vague de persécutions inouïes : destruction des églises, humiliation des moines, conversions forcéesÉ Mais la situation se rétablit dès avant la fin de son règne et ses successeurs, revenus à leur attitude traditionnelle, favorisèrent la prospérité de l’Église, participant même, pour certains, aux fêtes chrétiennes.
L’avènement de Salah al-Din (Saladin) — vizir d’origine kurde qui évince, on 1169 le dernier souverain fatimide — et la fondation de la dynastie ayyoubide vont malheureusement coïncider, pour les Coptes, avec la période des croisades. Aux prises avec les croisés en Palestine, Saladin va soupçonner, sans doute injustement, ses sujets coptes de collusion avec les chrétiens d’Europe. Les Coptes sont conséquemment chassés de l’administration et même victimes de représailles. La situation se rétablira, une nouvelle fois, après la reconquête de Jérusalem, en 1187. Et, une fois encore, c’est à des architectes coptes que le monarque musulman fait appel pour construire la citadelle du Caire, le bâtiment qui marquera son règne.
Avec la prise du pouvoir par les Mamelouks (1251) et l’instauration en Égypte d’un régime militaire remarquable tant par son instabilité chronique que par sa prospérité économique et son rayonnement culturel, le sort des Coptes va commencer à se dégrader. Assez curieusement, le début de l’ère mamelouke va pourtant de pair, pour la communauté copte, avec cette « renaissance » culturelle évoquée plus haut et dont la langue arabe se trouve être le véhicule.
Durant tout le XIVe et tout le XVe siècle, la pression coercitive de la majorité musulmane à l’encontre des Coptes ne laisse pas de s’accentuer : lentement mais sôrement la communauté chrétienne d’Égypte se réduit et, dès cette époque, ne représente déjà probablement plus que 10 à 20 % de la population.
La situation des Coptes ne se modifie guère avec le passage de l’Égypte sous la coupe ottomane, à partir de 1517. Le déclin démographique de la communauté s’accentue à tel point que celle-ci ne compte plus, à la fin du XVIIIe siècle, que quelque deux cent mille âmes, soit à peine 10 % de la population égyptienne.
C’est la dynastie fondée par Mohammed Ali on 1805 qui va rendre aux Coptes leur pleine place dans la société. En 1855, la giziyah est abolie et les Coptes accèdent au statut de pleine nationalité. À son avènement, le khédive Tewfiq (1879-1892) proclame l’égalité des chrétiens et des musulmans devant la loi. À la même époque, le pape Cyrille IV (1854-1861) initie un mouvement de renouveau dans sonÉglise et ce mouvement, relayé par des laïcs, connaît une ampleur inattendue. Malgré certaines difficultés internes et des aléas conjoncturels, ce processus de ressourcement et de restauration ne cessera plus ensuite d’aller on s’amplifiant, culminant sans doute avec le pontificat du pape Cyrille VI (1959-1971) durant lequel le monachisme connaître un étonnant regain de dynamisme qui se poursuit encore aujourd’hui.


L’art copte

L’expression artistique des Coptes s’est d’abord et avant tout manifestée « dans l’architecture des églises et des monastères, dans la sculpture et la peinture qui parent ces monuments, et aussi dans le domaine funéraire », ainsi que le soulignent Dominique Bénazeth et Marie-Hélène Rutchowscaya, conservatrices au musée du Louvre et commissaires scientifiques de l’exposition. Le tissage, la confection et la décoration de livres, la fabrication d’objets en bronze, en os, en ivoire ou en bois, la céramique et la verrerie occupent également une place de choix dans l’art copte.
Aux débuts de l’art copte, les peintures et les sculptures qui ornent les églises et les monastères ou les monuments funéraires empruntent souvent des thèmes issus de la mythologie grecque, nous rappelant de la sorte que cet art n’est pas alors seulement un art chrétien mais qu’il véhicule aussi des thèmes profanes et des sujets païens.
Un style copte va peu à peu se dégager, abandonnant les canons de l’art classique. Les formes sont traitées non plus en reproduction fidèle d’un modèle naturaliste, mais par masses juxtaposées, par éléments parfois segmentés et sans souci des justes proportions. La représentation des animaux et des humains est synthétique et non pas imitative.
À l’époque musulmane, cet art va peu à peu se confiner au strict domaine religieux, à tel point que la production picturale, celle des textiles, ou encore le travail du bois, l’art du métal et l’enluminure sont exclusivement liés aux usages liturgiques. Au contact de l’islam, la sculpture évolue, adoptant l’arabesque et la figure géométrique qui peut être répétée à l’envi. Les boiseries sont alors mises à l’honneur dans les églises : les clôtures de chœur et les lutrins se composent de panneaux assemblés et incrustés d’os ou d’ivoire, dans une imbrication complexe et systématique de motifs entre lesquels vient s’insérer la croix.
D’autres influences peuvent encore être déterminées : les églises ou les chapelles des monastères sont souvent décorées de peintures murales aux compositions apocalyptiques dont les modèles sont à l’évidence byzantins ; mais, en revanche, les traits distinctifs du style local apparaissent dans la stylisation des formes, dans l’utilisation de teintes plates ou dans les contours linéaires des sujets.
L’évolution de l’art de la tapisserie est plus ardue à cerner dans la mesure oò il est bien plus difficile de dater les pièces.

Le copte

Avec l’instauration du christianisme venait la nécessité de traduire massivement les écritures : c’est principalement de ce besoin qu’est née la langue copte. La vieille écriture des pharaons était devenue avec le temps de plus en plus complexe et, partant, de moins en moins accessible. Par ailleurs, et dès la conquête d’Alexandre (332 avant J.C.), le grec s’était introduit en Égypte et était, notamment, la langue des maîtres qui professaient au Didascalée.
Dès le début du IIIe siècle, on voit apparaître des tentatives pour transcrire l’égyptien en lettres grecques. C’est le cas, par exemple pour des papyrus magiques ou des étiquettes de momie. On perçoit, à la lecture de ces documents, des hésitations, en particulier pour résoudre le problème de la transcription des consonnes qui existent on égyptien mais pas en grec. De cette période de tâtonnements nous sont restés des textes assez hétérogènes que l’on regroupe sous la dénomination de « vieux-coptes ».
L’évangélisation des masses passait par la transcription écrite de la langue égyptienne que pratiquaient les populations autochtones. C’est ainsi que va progressivement se fixer, à partir de la seconde moitié du IIIe siècle, un alphabet copte, constitué des vingt-quatre lettres de l’alphabet grec auxquelles se trouvent adjoints sept caractères empruntés à l’écriture démotique (stade le plus évolué et le plus récent de l’égyptien ancien).
Mais qu’en est-il réellement de cette langue copte ? S’agit-il vraiment de la même langue que l’égyptien ancien ? « On peut répondre affirmativement à cette question », assure Anne Boud’hors, l’une des meilleures spécialistes de la langue copte. Mais, précise-t-elle, il convient de garder à l’esprit cependant « que ce qui apparaît au IIIe siècle dans les premiers manuscrits coptes, c’est un état de langue parlée, qui a évolué beaucoup plus vite que la langue transmise depuis des millénaires dans les inscriptions hiéroglyphiques ».
Du nord au sud du pays, c’est même à plusieurs états de langue parlée que l’on a affaire. On dénombre ainsi six grands dialectes littéraires, qui se succèdent géographiquement le long de la vallée du Nil (bohairique, fayoumique, mésokémique, saïdique. lycopolitain et akhminique).
La littérature copte consista d’abord en traductions, et en premier lieu traductions des textes de la Bible à partir du grec. En Égypte, le christianisme des premiers siècles n’est ni uniforme ni rectiligne et la production littéraire est le reflet de sa diversité. Des textes gnostiques et manichéens côtoient, par exemple, les œuvres ascétiques des fondateurs du monachisme.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’intérêt de ces traductions n’est nullement subsidiaire. Dans certains domaines, elles constituent un témoignage unique, faute d’original grec qui nous serait parvenu. Tel est le cas, notamment les célèbres manuscrits de Naga Hammadi.
Parallèlement à ce puissant effort de traduction vont très vite apparaître des œuvres originales, tels les sermons et les lettres que compose à la fin du IVe siècle, le moine Chenouté, abbé du monastère d’Atripé en Haute Égypte, dont les écrits témoignent, dès cette époque ancienne, de la richesse et de la subtilité de la langue copte.
À partir du VIe siècle — après la rupture de l’Église copte avec Byzance lors du concile de Chalcédoine — commence à se développer une littérature autochtone dans laquelle domine l’hagiographie : passions de martyrs, vies de saints, panégyriques. D’inspiration religieuse s’il en fut, ces textes n’en fourmillent pas moins de nombreux détails concernant la vie quotidienne et la toponymie et constituent pour les chercheurs des témoignages précieux sur la société de l’époque.

 
     
  les origines

le mot "copte" ou "cophte" apparait dans les recits des voyageurs occidentaux en egypte de la fin du moyen-age. il provient de l'arabe qibt (pluriel aqbaf), qui designe les chretiens d'egypte de souche autochtone. en fait, il s'agit d'une abreviation du grec aiguptios, "egyptien", qui lui-meme, selon une hypothese assez vraisemblable, deriverait de hikuptah "le sanctuaire de la force vitale du dieu ptah", nom sacerdotal de memphis, une des capitales de l'egypte pharaonique. ce terme recouvre des realites tant linguistiques qu'historiques et religieuses.
l'introduction du christianisme en egypte remonte, selon la tradition. aux annees quarante du premier siecle et a l'evangeliste saint marc qui l'aurait preche a alexandrie avant d'y subir le martyre, en 68.
c'est donc en pleine periode romaine de l'egypte, dans un milieu profondement paien, que prend naissance cette realite copte qui s'enracine dans le pays des le courant de la seconde moitie du iiesiecle, qui voit l'evangelisation de l'oasis du fayoum et de la haute egypte et, surtout, la creation, a alexandrie. vers 180. du didascalee, celebre ecole de catechese s'il en fut. ou enseignerent des maitres aussi prestigieux que pantene, clement, origene ou saint denys.
l'importance de l'eglise d'egypte de l'epoque peut se deduire du fait que c'est elle qui impose a l'ensemble de la chretiente, des le milieu du 111e siecle, ses regles de calcul pour l'etablissement de la date de la fete de paques. cette preeminence et cette vitalite du christianisme local expliquent aussi qu'il se soit trouve en butte a toute une serie de persecutions virulentes de la part des empereurs romains septime severe (en 202), dece (en 250), valerien (en 257) et, surtout, diocletien (en 303-304). mais la violence de la repression ne calmait en rien l'ardeur des proselytes chretiens: des la fin du 111e siecle, la religion nouvelle avait deja gagne la thebaide et les confins meridionaux du pays.

eremitisme, cenobitisme et monachisme

dans le meme temps, naissait le phenomene de l'eremitisme. la fuite au desert, d'abord, comme dans le cas du semi-legendaire saint paul de thebes (mort en 347?), sous la contrainte de la repression, puis, a l'image de saint antoine (251-356?), dans le desir d'imiter le christ et de retrouver, par la solitude, l'unite interieure d'adam avant la chute.
le monachisme etait ne. et celui-ci, qui constituerait l'inestimable apport de l'egypte au christianisme et se repandrait ensuite dans toute la chretiente, commencerait par connaitre, sur la terre d'egypte justement, des formes contrastees. celle de la retraite au desert, d'abord, anachoretisme radical des premiers peres, dont les vies nous sont parfois bien connues, grace aux fameux "apophtegmes" qu'ils nous ont laisses. celle, ensuite, du semi-anachoretisme antonien qui rassemble des colonies de petits ermitages de deux ou trois moines, dissemines dans la solitude desertique mais non loin des villes qui procurent le minimum du necessaire vital et permettent le rattachement a une eglise - l'eglise des laures - ou se celebre. le dimanche, la liturgie commune. celle enfin, initiee par saint pacome (vers 286-346), du cenobitisme. qui organise la vie des moines autour d'une regle axee sur quelques principes simples: obeissance, purete du coeur et du corps, pauvrete individuelle dans une relative prosperite collective, alternance du travail et de la priere.
saint antoine etait ne. en 251, dans le village de qimn aiarous (l'ancienne heraclee). au bord du nil, au nord de l'actuelle ville de beni souef. ayant suivi le conseil de l'evangeliste matthieu (19. 21): "si tu veux etre parfait, va vendre tout ce que tu as et donne-le aux pauvres!", il avait passe ensuite plusieurs annees dans un ermitage avant de se consacrer a la vie ascetique dans une grotte du wadi arabah. situee sur les pentes du massif de la qalalah. de nombreux disciples - la tradition parle d'une soixantaine -, desireux de recueillir son enseignement et de vivre dans sa proximite, s'etaient installes dans, une oasis au pied de la montagne. constituant ainsi le noyau de l'un des premiers monasteres chretiens de l'histoire, si saint antoine-le-grand peut ainsi etre considere comme "le pere du monachisme", l'homme qui lui donna les formes qui allaient etre adoptees - et connaitre la fortune que l'on sait en occident - fut saint pacome. ainsi la regle qu'instaurera, au viesiecle, saint benoit pour ses benedictins, sera directement inspiree de celle mise a l'honneur par saint pacome.
tres paradoxalement - quand on songe au rayonnement qu'il a connu dans la chretiente tout entiere - et malgre ses succes initiaux, le monachisme pacomien disparaitra d'egypte apres la conquete musulmane. c'est le modele antonien qui l'emportera, survivant jusqu'a aujourd'hui - avec des adaptations, bien sur (ainsi qu'on peut le constater de nos jours. notamment dans les monasteres du wadi natroun), l'egypte copte

apres qu'en 313, l'empereur constantin eut decrete la liberte religieuse pour les chretiens et qu'en 391 son successeur theodose eut impose le christianisme comme religion d'etat, l'eglise ne cessa d'etendre son empire sur la societe egyptienne. et c'est dans la seconde moitie du ivesiecle que furent tres certainement batis les monasteres de saint antoine-le-grand et de saint paul-le-thebain, dans le desert oriental d'egypte.
c'est a cette epoque egalement qu'il faut faire remonter la creation, par saint macaire d'alexandrie du monastere du desert de scetis (wadi natroun). disciple de saint antoine-le-grand, il avait passe quelques annees, nu dans les marais infestes de moustiques de mareotis (mariout) et s'etait rendu fameux par ses temoignages de la plus extreme austerite, avant que de fonder, a mi-chemin entre alexandrie et babylone d'egypte (lecaire) un etablissement ou s'appliquerait la regle de son maitre.
la creation de ces monasteres donna lieu a l'eclosion d'un art nouveau bien que baignant encore dans le milieu romain et profondement influence par l'imagerie paienne; la necessite de traduire la bible permet alors la fixation de la langue copte.
l'ensemble de ces circonstances contribue a l'emergence d'une identite copte, dans un contexte ou l'on peut considerer que la population, des le milieu du vesiecle, se trouve presque entierement christianisee. la voie s'ouvre ainsi pour une veritable civilisation chretienne des bords du nil a caractere national, face au siege episcopal de constantipople et au trone imperial.
prise entre les deux geants que sont l'egypte pharaonique et l'egypte islamique, l'"egypte copte" apparait dans les manuels comme une periode qui debute avec l'introduction du christianisme en egypte pour s'achever avec celle de l'islam; il n'en reste pas moins que la "realite copte", que nous evoquions en commencant, a perdure bien au-dela du vlle siecle, jusqu'a nos jours. avec la conquete musulmane de 639 l'histoire des coptes ne se trouve pas terminee pour autant.
l'egypte reste encore majoritairement chretienne quelque deux, trois ou quatre siecles - selon les auteurs - apres que le general amr ibn ai-as, lieutenant du calife omar, s'est empare presque sans coup ferir des villes clefs du pays: les coptes se sentaient probablement plus proches de leurs voisins arabes que de leurs maitres byzantins dont la fiscalite les ecrasait et ne firent probablement pas preuve d'une resistance exageree.
l'invasion arabe met bientot un frein a cette activite. ainsi, la gronde masse des documents ecrits en copte a-t-elle ete redigee entre le vie et le viiiesiecle. mais la langue arabe s'imposant rapidement, il s'agira assez vite de tout traduire une nouvelle foi: des le ixesiecle, le copte etait en declin et, au xivesiecle, l'eglise copte officialisait l'usage de l'arabe. bien avant cette date avait ete assure le passage en arabe des textes bibliques, liturgiques, homiletiques et hagiographiques. c'est grace a ce nouveau mouvement de traductron qu'une part de la litterature copte a pu etre conservee, dans sa version arabe.
si tel ou tel voyageur occidental du xviiesiecle a pu encore entendre parler copte, dans quelques regions reculees, quelques ilots isoles du reste du pays, des le xiiiesiecle la situation de la langue copte etait suffisamment grave pour qu'un groupe de lettres decide de la creation d'une ecole dont les travaux consisteraient a la sauvegarde et la preservation des structures ecrites de la langue.
la relegation du copte au rang de langue sacree et l'adoption de l'arabe par les chretiens d'egypte n'allaient pas mettre un terme a l'activite theologique des auteurs coptes. ainsi, ce meme treizieme siecle, evoque a l'instant, serait-il en egypte le theatre d'une veritable renaissance en langue arabe de la spiritualite et de la litterature coptes. la meilleure illustration en est donnee par les nombreux travaux des freres al-assai, etonnants polygraphes, qui furent en meme temps philosophes, theologiens, canonistes, biblistes, predicateurs et hagiographes. d'autres noms pourraient etre cites pour cette meme epoque, ceux du medecin lbn bichr al-katib, de l'exegete boutros al-sadamanti, de l'historien boutros ibn al-rahib ou encore des hagiographes pierre et michel de malig, qui font qu'a bien des egards, donc, le xiiiesiecle peut apparaitre comme l'age d'or de la litterature copte d'expression arabe.
l'eglise copte

championne de l'orthodoxie, alliee de l'eglise de rome lors du concile de nicee (325) qui avait consomme la defaite de l'arianisme (doctrine qui niait la divinite du christ), l'eglise d'egypte aborda ensuite en position de force, et un siecle plus tard, le concile d'ephese (431) qui vit la legitimation solennelle du titre de "mere de dieu" (theotokos) applique a marie. cette circonstance fut l'occasion, pour cyrille, eveque d'alexandrie de s'opposer aux disciples du patriarche nestorius, les nestoriens, qui contestaient la validite de ce titre.
que l'eglise d'egypte ait ete l'instrument de cette reconnaissance faite a marie peut paraitre assez naturel quand on songe que cette meme epithete etait appliquee, dans l'egypte pharaonique, aux grandes deesses maternelles, mout, nout, ou lsisÉ un autre exemple d'acculturation peut etre releve dans le fait qu'a cette meme epoque, "les chretiens d'egypte utilisent volontiers le vieux symbole de la croix ansee (ankh, signe hieroglyphique de la vie), comme equivalent de la croix chretienne, manifestation de la victoire du christ sur la mort", ainsi que le souligne l'historien christian cannuyer.
il s'agit la de traits, parmi bien d'autres, qui montrent comment, de facon assez inconsciente, le christianisme egyptien assumera une part de l'heritage pharaonique, l'identite tres forte de l'eglise d'egypte allait aussi la conduire a se separer de ses soeurs romaine et byzantine, en 451, lors du concile de chalcedoine. cet episode mysterieux et complexe de l'histoire du christianisme semble avoir eu pour fondement un douloureux malentendu theologique et culturel, peut-etre aggrave de quelques rivalites politiques, c'est ainsi que le concile de chalcedoine fut l'occasion de la proclamation de l'unite de personne et de la dualite de nature (ph ysis) dans le christ. pour les egyptiens, menes par leur patriache dioscore, cette definition semblait contredire une formule qu'avait naguere consacree cyrille, selon laquelle il n'y avait qu'une physis du verbe incarne. la polemique semble resulter d'une erreur ou d'une approximation dans la traduction des termes en une epoque ou le vocabulaire theologique n'est pas encore definitivement forge ni, a fortiori, etabli.
quoi qu'il en ait ete, les egyptiens, dans leur majorite, refuserent la definition pronee par le concile. dioscore fut depose et les coptes bientot consideres, a tort, comme "monophysites", c'est-a-dire comme des schismatiques croyant en l'absorption de l'humanite du christ par sa divinite. ces circonstances virent donc la constitution en egypte d'une eglise dite pre-chalcedonienne, separee encore auh-jourd'hui du reste du monde chretien. des lors, l'eglise copte va s'identifier de plus en plus a l'egypte, meme si elle rayonne jusqu'en ethiopie (conversion du negus ezana, vers 350) et en nubie. cette identification est consequemment vecue comme une opposition a un empire byzantin dont la fiscalite insupportable pressure le pays.
la conquete arabe

c'est avec une relative passivite, on l'a dit deja, que les coptes accueillent l'invasion musulmane de 639. dans les debuts, a tout le moins, la liberte religieuse des chretiens parait avoir ete tres satisfaisante. les autorites musulmanes n'encourageaient guere les conversions de masse et si l'islamisation du pays semble avoir progresse plus vite qu'en syrie ou en irak, c'est bien plutot par le biais, estime-t-on aujourd'hui, des mariages mixtes et a cause des contraintes socio-economiques. les coptes consideres, en effet, comme dhimmis ("proteges") se voient contraints de payer la giziyah (impot personnel) et le kharag (impot foncier).
sous la dynastie des omeyyades (660-750) les rapports entre les chretiens d'egypte et leurs maitres musulmans restent harmonieux. l'arabisation du pays est cependant encouragee par la loi: un edit du gouverneur abdallah ibn abd al-malik vient prohiber, en 707, l'usage du copte dans les documents publics, sous la dynastie des abbassides (750-969), plus attentive a la preeminence de l'islam dans l'empire, la situation de la communaute chretienne d'egypte, en passe de devenir minoritaire, devient parfois plus difficile. des tensions surgissent, des insurrections eclatent, notamment dans le delta, mais les autorites mettent fin avec determination a ces derniers sursauts irredentistes. a partir de 850, les coptes se voient contraints au respect de lois discriminatoires, les chourout, rarement appliquees toutefois dans toute leur rigueur. l'episode toulounide - du nom de la dynastie locale independante du pouvoir central qui regne sur l'egypte de 870 a 905 - voit s'ameliorer la position des coptes qui retrouvent dans l'administration, et notamment celle des finances, les postes de responsabilite ou ils ont toujours fait leurs preuves. et c'est a un architecte copte, ibn katib al-firghani, qu'est confiee la tache prestigieuse d'edifier la mosquee d'lbn touloun.
avec les fatimides - qui prennent le pouvoir en egypte en 969 - commence pour les coptes une periode plutot faste. d'une maniere generale, ces princes temoignent d'une bienveillance exceptionnelle a l'egard de leurs sujets chretiens, leur confiant, dans maints domaines, des postes importants. une exception vient toutefois fort tristement confirmer la regle. ainsi, le debut du xle siecle fut marque, dans le cours du regne du calife al-hakim (996-1021), d'une parenthese dramatique qui vit ce tyran enigmatique et cruel dechainer contre les chretiens, mais aussi contre certains sunnites, une vague de persecutions inouies: destruction des eglises, humiliation des moines, conversions forceesÉ mais la situation se retablit des avant la fin de son regne et ses successeurs, revenus a leur attitude traditionnelle, favoriserent la prosperite de l'eglise, participant meme, pour certains, aux fetes chretiennes.
l'avenement de salah al-din (saladin) - vizir d'origine kurde qui evince, on 1169 le dernier souverain fatimide - et la fondation de la dynastie ayyoubide vont malheureusement coincider, pour les coptes, avec la periode des croisades. aux prises avec les croises en palestine, saladin va soupconner, sans doute injustement, ses sujets coptes de collusion avec les chretiens d'europe. les coptes sont consequemment chasses de l'administration et meme victimes de represailles. la situation se retablira, une nouvelle fois, apres la reconquete de jerusalem, en 1187. et, une fois encore, c'est a des architectes coptes que le monarque musulman fait appel pour construire la citadelle ducaire, le batiment qui marquera son regne.
avec la prise du pouvoir par les mamelouks (1251) et l'instauration en egypte d'un regime militaire remarquable tant par son instabilite chronique que par sa prosperite economique et son rayonnement culturel, le sort des coptes va commencer a se degrader. assez curieusement, le debut de l'ere mamelouke va pourtant de pair, pour la communaute copte, avec cette "renaissance" culturelle evoquee plus haut et dont la langue arabe se trouve etre le vehicule.
durant tout le xive et tout le xvesiecle, la pression coercitive de la majorite musulmane a l'encontre des coptes ne laisse pas de s'accentuer: lentement mais surement la communaute chretienne d'egypte se reduit et, des cette epoque, ne represente deja probablement plus que 10 a 20% de la population.
la situation des coptes ne se modifie guere avec le passage de l'egypte sous la coupe ottomane, a partir de 1517. le declin demographique de la communaute s'accentue a tel point que celle-ci ne compte plus, a la fin du xviiiesiecle, que quelque deux cent mille ames, soit a peine 10% de la population egyptienne.
c'est la dynastie fondee par mohammed ali on 1805 qui va rendre aux coptes leur pleine place dans la societe. en 1855, la giziyah est abolie et les coptes accedent au statut de pleine nationalite. a son avenement, le khedive tewfiq (1879-1892) proclame l'egalite des chretiens et des musulmans devant la loi. a la meme epoque, le pape cyrille iv (1854-1861) initie un mouvement de renouveau dans soneglise et ce mouvement, relaye par des laics, connait une ampleur inattendue. malgre certaines difficultes internes et des aleas conjoncturels, ce processus de ressourcement et de restauration ne cessera plus ensuite d'aller on s'amplifiant, culminant sans doute avec le pontificat du pape cyrille vi (1959-1971) durant lequel le monachisme connaitre un etonnant regain de dynamisme qui se poursuit encore aujourd'hui.
l'art copte l'expression artistique des coptes s'est d'abord et avant tout manifestee "dans l'architecture des eglises et des monasteres, dans la sculpture et la peinture qui parent ces monuments, et aussi dans le domaine funeraire", ainsi que le soulignent dominique benazeth et marie-helene rutchowscaya, conservatrices au musee du louvre et commissaires scientifiques de l'exposition. le tissage, la confection et la decoration de livres, la fabrication d'objets en bronze, en os, en ivoire ou en bois, la ceramique et la verrerie occupent egalement une place de choix dans l'art copte.
aux debuts de l'art copte, les peintures et les sculptures qui ornent les eglises et les monasteres ou les monuments funeraires empruntent souvent des themes issus de la mythologie grecque, nous rappelant de la sorte que cet art n'est pas alors seulement un art chretien mais qu'il vehicule aussi des themes profanes et des sujets paiens.
un style copte va peu a peu se degager, abandonnant les canons de l'art classique. les formes sont traitees non plus en reproduction fidele d'un modele naturaliste, mais par masses juxtaposees, par elements parfois segmentes et sans souci des justes proportions. la representation des animaux et des humains est synthetique et non pas imitative.
a l'epoque musulmane, cet art va peu a peu se confiner au strict domaine religieux, a tel point que la production picturale, celle des textiles, ou encore le travail du bois, l'art du metal et l'enluminure sont exclusivement lies aux usages liturgiques. au contact de l'islam, la sculpture evolue, adoptant l'arabesque et la figure geometrique qui peut etre repetee a l'envi. les boiseries sont alors mises a l'honneur dans les eglises: les clotures de choeur et les lutrins se composent de panneaux assembles et incrustes d'os ou d'ivoire, dans une imbrication complexe et systematique de motifs entre lesquels vient s'inserer la croix.
d'autres influences peuvent encore etre determinees: les eglises ou les chapelles des monasteres sont souvent decorees de peintures murales aux compositions apocalyptiques dont les modeles sont a l'evidence byzantins; mais, en revanche, les traits distinctifs du style local apparaissent dans la stylisation des formes, dans l'utilisation de teintes plates ou dans les contours lineaires des sujets.
l'evolution de l'art de la tapisserie est plus ardue a cerner dans la mesure ou il est bien plus difficile de dater les pieces.

le copte

avec l'instauration du christianisme venait la necessite de traduire massivement les ecritures: c'est principalement de ce besoin qu'est nee la langue copte. la vieille ecriture des pharaons etait devenue avec le temps de plus en plus complexe et, partant, de moins en moins accessible. par ailleurs, et des la conquete d'alexandre (332 avant j.c.), le grec s'etait introduit en egypte et etait, notamment, la langue des maitres qui professaient au didascalee.
des le debut du iiiesiecle, on voit apparaitre des tentatives pour transcrire l'egyptien en lettres grecques. c'est le cas, par exemple pour des papyrus magiques ou des etiquettes de momie. on percoit, a la lecture de ces documents, des hesitations, en particulier pour resoudre le probleme de la transcription des consonnes qui existent on egyptien mais pas en grec. de cette periode de tatonnements nous sont restes des textes assez heterogenes que l'on regroupe sous la denomination de "vieux-coptes".
l'evangelisation des masses passait par la transcription ecrite de la langue egyptienne que pratiquaient les populations autochtones. c'est ainsi que va progressivement se fixer, a partir de la seconde moitie du iiiesiecle, un alphabet copte, constitue des vingt-quatre lettres de l'alphabet grec auxquelles se trouvent adjoints sept caracteres empruntes a l'ecriture demotique (stade le plus evolue et le plus recent de l'egyptien ancien).
mais qu'en est-il reellement de cette langue copte? s'agit-il vraiment de la meme langue que l'egyptien ancien? "on peut repondre affirmativement a cette question", assure anne boud'hors, l'une des meilleures specialistes de la langue copte. mais, precise-t-elle, il convient de garder a l'esprit cependant "que ce qui apparait au iiiesiecle dans les premiers manuscrits coptes, c'est un etat de langue parlee, qui a evolue beaucoup plus vite que la langue transmise depuis des millenaires dans les inscriptions hieroglyphiques".
du nord au sud du pays, c'est meme a plusieurs etats de langue parlee que l'on a affaire. on denombre ainsi six grands dialectes litteraires, qui se succedent geographiquement le long de la vallee du nil (bohairique, fayoumique, mesokemique, saidique. lycopolitain et akhminique).
la litterature copte consista d'abord en traductions, et en premier lieu traductions des textes de la bible a partir du grec. en egypte, le christianisme des premiers siecles n'est ni uniforme ni rectiligne et la production litteraire est le reflet de sa diversite. des textes gnostiques et manicheens cotoient, par exemple, les oeuvres ascetiques des fondateurs du monachisme.
contrairement a ce que l'on pourrait penser, l'interet de ces traductions n'est nullement subsidiaire. dans certains domaines, elles constituent un temoignage unique, faute d'original grec qui nous serait parvenu. tel est le cas, notamment les celebres manuscrits de naga hammadi.
parallelement a ce puissant effort de traduction vont tres vite apparaitre des oeuvres originales, tels les sermons et les lettres que compose a la fin du ivesiecle, le moine chenoute, abbe du monastere d'atripe en haute egypte, dont les ecrits temoignent, des cette epoque ancienne, de la richesse et de la subtilite de la langue copte.
a partir du viesiecle - apres la rupture de l'eglise copte avec byzance lors du concile de chalcedoine - commence a se developper une litterature autochtone dans laquelle domine l'hagiographie: passions de martyrs, vies de saints, panegyriques. d'inspiration religieuse s'il en fut, ces textes n'en fourmillent pas moins de nombreux details concernant la vie quotidienne et la toponymie et constituent pour les chercheurs des temoignages precieux sur la societe de l'epoque.